mornings are for coffee and contemplation (isak)

chapitre 1 ◆ L'enfant hurle à plein poumons, sous le regard attendri de ses parents et de sa soeur, petite poupée pleine de vie à peine âgée de cinq ans - tandis que les sages femmes s'activent de tous les côtés. Un nouveau-né, un nouvel ange. Isak, le petit dernier, petite merveille au visage d'ange à laquelle on ne peut résister. A peine né et déjà aimé et choyé. Petit prince que l'on couvre d'amour. Maman est exténuée, mais radieuse, les yeux lumineux et le sourire aux lèvres. Papa est fier, ne lâchant pas l'enfant des yeux, ce même sourire aux lèvres. Quant à Astrid, la soeur, l'aînée, elle contemple ce bambin avec toute la curiosité digne d'une enfant. Ce petit frère qu'elle se devra de guider et protéger, elle, son modèle. Petit portrait de famille idyllique, sans aucune entache, sans aucune ombre au tableau. Seulement, rien ne peut demeurer ainsi pour bien longtemps.

chapitre 2 ◆ Freja. Les Skovgaard ne s'attendaient pas à accueillir un nouveau petit coeur dans la famille, quinze ans après la naissance d'Astrid, et dix ans après la naissance d'Isak. Et pourtant, elle était là, leur nouvelle petite merveille. Elle qui les contemplait de ces yeux bleus si intenses et révélateurs. Petit ange à la santé fragile. Constitution difficile, et naissance presque miraculeuse, la petite était une survivante, selon les médecins. Elle n'aurait pas du vivre, et encore moins naître. Mais les années passaient, sans que rien ne se passe, et la petite grandissait, sous ce même regard attendrissant et cet amour infini. Isak, tout particulièrement, aimait cette petite soeur, qu'il ne cessait de regarder dormir et respirer. Mais les choses ne se passent jamais comme prévu. Ce tableau idyllique se ternissaient de plus en plus à mesure que les mois passaient. La santé de Freja se détériora dramatiquement alors qu'elle approchait des trois ans, et ses parents, désespérés, se raccrochaient au moindre espoir de pouvoir la sauver. Mais les médecins étaient indécis quant à ses chances de survie. Trois mois plus tard, Freja décéda, malgré les nombreuses tentatives de ranimation des médecins. C'est ainsi qu'une étoile s'éteignit, une semaine avant son troisième anniversaire. Et le portrait de famille ne fut plus si lumineux et parfait qu'autrefois.

chapitre 3 ◆Isak est planté là, devant l'imposante architecture de l'université, les yeux écarquillés et le coeur battant à tout rompre. En réalité, s'il est là, c'est bien plus pour faire plaisir à ses parents que par envie. S'il pouvait prendre ses jambes à son cou, il le ferait probablement - ce n'est pas l'envie qui lui manque. Première journée de fac, et il se sent déjà mal à l'aise, ne s'y sentant pas vraiment à sa place. Non, décidément, si ses parents ne lui avaient pas tant forcé la main, il serait sans doute ailleurs, probablement à travailler quelque part, mais certainement pas ici, dans cet endroit de malheur. Il n'a rien contre les études, ayant été l'un des meilleurs de sa classe durant ses années lycée. Toutefois, l'envie de continuer dans cette direction une fois le lycée terminé ne l'a jamais intéressé. Et il regrette amèrement sa décision d'avoir écouté ses parents. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il veut les rendre fier, quitte à devoir faire quelque chose qui l'horripile totalement. C'est sans doute la raison pour laquelle, trois mois plus tard, il décide de tout abandonner, au grand damne de ses parents. Le marketing ? Très peu pour lui. Il est bien plus heureux à travailler, à droite à gauche, sans jamais vraiment trouver d'attache. Et malgré ce que peuvent en dire ses parents, il est très heureux ainsi. C'est sans doute la raison pour laquelle, à seulement dix-neuf ans, il quitte le foyer familial et se trouve un appartement en plein centre-ville. Il n'a jamais été aussi heureux de toute sa vie. Tout en ignorant pleinement faire parti de ces petits chanceux ne vieillissant plus, éternellement figé sur le même âge depuis bientôt trois ans. Lui, qui anime une chronique sur ces habitants qui ne vieillissent plus, discutant sans le savoir de lui-même, et s'en amusant comme si de rien n'était.

chapitre 4 ◆ Isak a toujours été populaire. C'est un fait. Au lycée déjà, il faisait tourner la tête de toutes les filles, et de plusieurs garçons. Popularité dont il s'est toujours servi pour réaliser ses rêves. Et en l'occurrence, devant son micro à chroniquer la rubrique du matin, il n'a jamais été aussi fier de son succès et de sa popularité. Chronique que tous ses auditeurs apprécient énormément, si l'on en croit les nombreux appels qu'il reçoit. Chronique basée presque essentiellement sur ce phénomène étrange qui semble avoir envahi Vejle. Forte de théories en tout genre, qu'Isak anime, lui aussi fasciné et curieux par cette force mystique qui semble arrêter le temps pour certaines personnes. Alors, il en profite, surfant sur cette fascination qu'ont les habitants de la ville, et même du reste du pays. Ce qu'il ignore toutefois, c'est que lui aussi a été frappé par ce phénomène là, faisant désormais parti de ces chanceux dont le visage reste inchangé, éternellement figé sur le même âge depuis bientôt trois ans. Lui, qui s'amuse d'un tel fait sans rien savoir, lui qui discute d'un air à la fois curieux et triste de ces habitants qui ne vieillissent plus. Sans même se douter une seule seconde que dans cette chronique qu'il anime, dans ces théories qu'il avance, il parle de lui-même.