chapitre 1 ◆
« Promis ? »« Promis. »Ce n’était pas la première fois que ces mots-là étaient échangés entre les jumeaux Satge et surement pas la dernière. Des promesses, il en avait fait des tas à sa soeur jumelle Ebba, probablement une par jour depuis leur naissance et pourtant, ce jour-là comme un autre, Lennart ne le regrettait pas. Il ne le regrettait jamais quand il s’agissait d'Ebba, il n'y avait qu'eux pour le moment, qu’elle qui comptait vraiment et il n’avait pas besoin que quelqu'un d’autre le comprenne. Ils avaient grandi ensemble pendant neuf mois et ils avaient continué de le faire en sortant du ventre de leur mère. Pas de dispute puérile de frère et soeur entre eux, non, ils s’étaient toujours bien entendu et même à l'âge de 13 ans, ils partageaient la même chambre et ce malgré les efforts de leurs parents pour changer cette situation. La promesse qu’il venait de sceller était pour ça, Ebba lui avait fait jurer que quoi il advienne, peu importe ce qui se passerait maintenant, dans le futur, il ne laisserait pas leur parents l’emmener loin. Loin de lui, loin de leur petit village Suédois, loin de leur chambre où il était plus facile de se réveiller sous les couvertures et d’oublier le reste du monde. Il y avait tant de choses que Lennart ne comprenait pas, pourquoi Ebba devait souvent voir des médecins, pourquoi elle était contrainte de prendre des médicaments et pas lui, tant de zones d'ombres et pourtant, dès qu'il posait la question à ses parents, il répétait que c’était pour son bien à elle, juste pour
elle. Et elle paissait tellement fatiguée… alors Len se disait qu’ils avaient raison et il faisait de son mieux pour être là pour elle, pendant les moments où elle était vraiment là, encore présente. La promesse du jour était presque scellé, il l’observa, presque fasciné, ramasser un morceau de verre sur le sol, il connaissait la suite, elle avait entaillé sa paume suffisamment de fois pou qu’il connaisse la suite. Ils se serraient la main et les gouttes de sang tombaient sur le sol et restaient probablement là pour l’éternité, pourquoi ? Parce qu'il avait promis.
chapitre 2 ◆
« Ne bouge pas putain, ou sinon tu es le prochain sur la liste… bouge pas. » Len avait eu un réflexe des plus normaux, il ne tenait pas particulièrement à cette paire de chaussures-là, certes elles avaient été neuves il y a quelques minutes de cela, mais il ne voulait pas non plus baigner dans cette marre infecte qui avait jadis été un être humain. Il avait presque envie de vomir, il aurait certainement pu vomir s’il n’était pas aussi alerte et si son coeur ne battait pas aussi fort. Si fort qu'il battait du tambour de son propre accord, à lui en faire mal, là dans sa cage thoracique. À lui rappeler qu’il était encore en vie, que ça aurait pu être lui et bien lui et que tout ceci était une mauvaise idée. Tout
ça. Décider de venir aux États-Unis, d’étudier pour manipuler des grosses sommes d’argent et se retrouver là… là… les mains à plats contre un mur à regarder du sang beaucoup trop rouge glisser jusqu’à lui.
Ça aurait pu être lui. « Toi… Lennart c’est ça ? »Hochement de tête frénétique, il se rappelait encore de son propre prénom, il se retint de corriger celui qui venait d’utiliser son prénom complet, c’était seulement réservé à sa mère d’ordinaire et il avança comme on le lui indiquait. Il ramassa l’attaché-case encore rempli de billets, pas d’entourloupe, jamais avec lui. L’argent fut vite compté, avec une clarté et une rapidité folle, Len était de nouveau dans son monde, certes, l’addition était simple, mais ça le rassurait, quelqu’un était mort, mais deux plus deux était toujours égal à quatre, et ça, ça le rassurait.
« … Vous savez … que ce sont des faux billets pas vrai ? » Le brun n’avait pas pu s’en empêcher, une fois l’addition finie, son cerveau était repassé en mode panique, il avait pensé à ses chaussures neuves qui ne l’étaient plus, à ses chaussettes qui finiraient imbibées de sang elles aussi… Peut-être qu’une machine à 90 degré suffirait, ou alors il prendrait une longue douche après tout ça. Surement un bain, un bain brulant.
« Qu’est-ce que tu veux dire faux ? » Clic. La sécurité de l’arme avait sauté et Len décida de se concentrer, il ne voulait pas finir en bouilli, ou en soupe ou en peu importe la métaphore, il ne voulait pas finir comme ça. Certes, il n’aspirait à rien du tout, peut-être aller au prochain concert d’Ebba, mais pour ça, il devait éviter de finir en compote.
Oui, elle était là, sa métaphore.
chapitre 3 ◆ Il y avait un silence quasiment religieux dans la cuisine, silence seulement dérangé par le bruissement du journal qui résidait entre les mains de Len et dont il tournait les pages avec un rythme calculé au millimètre pès. Il ne releva pas la tête face à l’odeur du café brulant qui envahit la cuisine et le brun se contenta de tendre la main, à peine surpris que ses doigts se referment sur une tasse pleine. Len porta la tasse à ses lèvres sans vraiment y penser, trop habitué à effectuer les mêmes gestes tous les matins. Mais la routine avait quelque chose de bon, il savait que s’il finissait de lire les pages sportives, qui soyons francs ne l’intéressaient pas vraiment, et qu’il pliait son journal, il finirait par croiser le regard de Niels qui ne faisait absolument aucun effort pour cacher le fait qu’il l’observait. Ils échangeraient surement un sourire, quelques baisers et Len ferait de son mieux pour le convaincre qu’il devait partir au travail. Mais pour le moment, c’était le silence qui régnait et c’était tout simplement parfait.